Comment faire un crédit immobilier halal en islam ?

Par BOUTAIBA

C’est l’un des débats les plus houleux lorsqu’on parle de finance islamique. Et si tu lis ça c’est que toi aussi tu t’es peut être déjà demandé ou que tu t’es intéressé à acheter un bien immobilier que ce soit une résidence principale ou un investissement locatif, et le problème, c’est que quand tu regardes les méthodes de financement on te parle la plupart du temps de crédit conventionnel, et qui dit crédit conventionnel dit riba. 

Et c’est là où t’as entendu parler de la mourabaha. Mais alors c’est quoi ? Comment cela marche ? Mais surtout pourquoi tant de divergence lorsqu’on parle de ça ? C’est exactement ce qu’on va voir et si à la fin de cet article tu as toujours des questions, n’hésite pas à me laisser un commentaire pour continuer la conversation.  

C’est parti ! 

Avant tout c’est quoi la mourabaha ? 

Quand on parle de mourabaha, on donne souvent une définition simple d’achat-revente majorée à remboursement échelonné où toutes les conditions du remboursement sont écrites dans le contrat dès le début et en accord avec l’éthique musulmane. 

Voyons un premier exemple : 

J’ai envie d’acheter une voiture à 10,000 euros mais je n’ai pas d’argent pour pouvoir l’acheter maintenant, je vais voir alors une banque islamique qui va acheter la voiture que je veux à ma place et ensuite me la revendre avec une marge de disons 500 euros. Et moi je lui rembourserai ce montant fixe plusieurs fois par mois pendant une durée établie à la date de la signature du contrat. 

Maintenant voyons le cas quand je passe par une banque traditionnelle et non islamique. :

Toujours dans mon envie d’acheter une voiture à 10,000 euros, ici au lieu d’acheter la voiture a ma place, la banque va me prêter de l’argent que je devrais lui rembourser avec une commission de 500 euros. 

Et c’est là la différence qui rend le contrat mourabaha halal d’un point de vue islamique. 

Comme on le sait, il est autorisé de commercer mais interdit de faire de l’argent avec de l’argent. 

On peut voir alors les banques islamiques comme des commerçants à l’inverse des banques conventionnelles. 

Tu peux lire cet article qui détaille les fondements de la finance islamique et qui explique pourquoi ce type de transaction est conforme. 

Là c’était une explication simplifiée du contrat mourabaha mais dans la vraie vie il y a beaucoup de points qu’il faut analyser dans ce type de montage, particulièrement dans le cas d’un achat immobilier. 

Le cas de l’immobilier : Montage mourabaha 

Dans cette partie on va expliquer le montage de l’achat d’un bien immobilier et listés toutes les étapes à suivre pour être en conformité pour la mise en place de ce montage. 

La première chose à faire est ça même avant de trouver le bien que tu veux acheter et de contacter une banque islamique, un courtier ou tout prestataire de services qu’on appellera le financeur qui propose ce produit et qui valide ton dossier comme par exemple un accord de principe sur le montant de ta capacité d’endettement (je t’explique après juste pourquoi). 

Deuxième étape, tu trouves ton bien – un magnifique appartement de 100,000 euros. Tu as discuté avec le vendeur et là on te demande de signer un compromis de vente qui contient toutes les conditions comme par exemple le prix d’achat et d’autres conditions qu’on verra par la suite; et une fois signer oblige le vendeur à te vendre l’appartement et à toi de l’acheter. 

Mais ne te précipite pas avant de signer ! 

Car là, on revient à la première étape où il faut en amont rentrer en contact avec sa banque car en effet il ne faut pas signer de compromis de vente mais plutôt une promesse de vente où dans ce contrat, il faut qu’il y ait une clause disant que ce soit le financeur qui achète le bien et surtout que ce soit lui qui le possède. 

Petite parenthèse, il faut comprendre dès cette étape qu’il faudra passer par un notaire et payer des frais de garantie de 5 à 10% du prix d’achat du bien qu’il faudra donner au vendeur. Et si vous n’êtes pas certain à 100% de vouloir acheter ce bien et après le délai de réflexion de 10 jours vous décidez de vous rétracter, alors ces frais engagés seront perdus. C’est pourquoi, voir d’abord si vous pouvez faire une offre d’achat avec le vendeur avant une promesse de vente qui est généralement un contrat plus flexible et qui vous donne un temps de réflexion plus serein on va dire. Mais parlez-en avec votre financeur avant quand même. 

Une fois décidé avec votre financeur qu’il signe le compromis de vente, avant d’acheter le bien, il te fera signer un contrat qui confirme ton souhait d’obtenir le bien et que ce soit le financeur qui achètera le bien mais aussi toutes les conditions du contrat de remboursement c’est à dire montant, délais, frais qu’on verra en détail par la suite. Ici, pareil, le financeur demandera généralement un gage de sécurité,  c’est à dire pareil qu’un dépôt de garantie qui par la suite se substituera à l’apport. 

Alors que ce soit pour le compromis de vente avec le vendeur ou le contrat avec le financeur, toute ces histoires de dépôt de garantie est ce qu’on appelle en finance islamique hamish jiddyah qui est tout à fait conforme dans l’éthique musulmane. 

Car comme on le sait en islam tout n’est que justice et équité. Si je te promets de t’acheter quelque chose que je te demande de m’acheter, alors j’ai tout à fait le droit dans notre contrat de demander une garantie pour me protéger en cas de manquement de l’autre partie qui engendrerait une perte financière après que j’ai acheter la chose que tu voulais mais qu’au final tu ne veux plus. 

Une fois tous ces contrats signés, le financeur achète le bien au comptant auprès du vendeur et une fois que tous les délais de réflexion sont passés c’est à dire délai par lesquels on a le droit de se rétracter (même s’il faut bien comprendre qu’à ce stade la rétraction engagera des frais dans tous les cas car le bien est déjà possédé par le financeur) vous devrez signer un compromis de vente pour acheter le bien auprès du financeur avec un remboursement en plusieurs mensualités. 

Ici se termine le montage Mourabaha pour l’achat d’un bien immobilier. 

Et comme on dit, comme à peu près tout sur ce type de sujet en Islam, il y a des divergences qui dit que l’achat d’un bien immobilier en contrat mourabaha ne serait pas conforme. Voyons cela. 

Divergences liés à ce montage 

a. Source des fonds 

D’où viennent les fonds ? 

On peut commencer par la source des fonds venant d’une banque qui serait utilisé pour des financements entraînant riba. Ici, on se concentrera seulement sur l’exemple d’un financeur où la source de ces fonds viennent de banques partenaires qui peuvent être un mix banque islamique et conventionnelle (majorité des cas en France). 

Alors oui et non. 

D’abord non, car la source des fonds pour financer un bien immobilier provient des comptes de dépôts à vue non rémunéré des clients de la banque et des fonds propres de la banque. 

On parle de dépôts à vue non rémunérés quand l’argent qui y est n’est pas utilisé pour investir dans les marchés financiers; et les fonds propres à l’argent des actionnaires, d’autres investisseurs, et aux bénéfices non distribués.

Et oui, car on peut s’imaginer que oui les fonds utilisés entraînent du riba pour deux raisons. La première repose sur la base du système interbancaire et de la création monétaire où pour qu’une banque puisse emprunter de l’argent doit avoir un minimum de dépôt et de fonds propres. Et deux, dans le cas des bénéfices non distribués on sait que cela provient de services bancaires non conforme. 

Mais en réalité, tout cela est indirect; car dans ce cas on peut dire la même chose pour tout type de transaction qui nous entourent. Que ce soit lorsqu’on fait nos courses, le salaire que l’on reçoit ou encore même la sécurité sociale, tout cela n’est que la résultante de notre système basé sur la dette.

Je pense que ça peut encore porter à débat, mais le débat encore une fois ne doit pas reposer sur le financement mourabaha mais plutôt sur notre système basé sur la dette. 

Il faut comprendre qu’en finance islamique il n’y a aucune règle qui impose de connaître la source des fonds lorsqu’on le commerce. Même comme on l’a vu, le financeur s’assure néanmoins que la source des fonds ne soit pas utilisée de manière non-conforme. 

b. Assurance 

Un autre point qui peut faire débat est celui concernant les assurances. Comme vous le savez, d’après les savants, quand on souscrit à une assurance, le fait qu’il y ait une certaine forme de gharar que ce soit tant sur la réalisation d’un possible risque auquel on est assurée mais aussi de l’indemnité incertaine qu’on recevra dans le cas où le risque se réalise qui rend les assurances conventionnelle non-conformes d’un point de vue d’éthique musulmane. 

Une autre option est alors la souscription d’une assurance conforme dit Takaful mais qui malheureusement n’existe pas encore en France. 

Dans tous les cas, en ce qui concerne le montage mourabaha, le débat sur les assurances n’a également pas lieu d’être car les financeurs ne proposent pas d’assurance emprunteur mais avec possibilité quand même pour le client d’y souscrire ailleurs. 

Au même titre que le fait d’acheter une voiture ne rend pas l’achat de cette voiture non conforme à cause de la souscription à une assurance auto obligaoire. C’est la même logique.  

Mais ce sujet des assurances est trop vaste et sera le sujet d’un autre article où on verra si vraiment une assurance est halal ou haram. 

c. Impossibilité de se désister  

Un autre point concerne l’impossibilité de se désister. Comme on l’a vu plus haut dans les différentes étapes du montage mourabaha qu’on a la possibilité de se désister avec plus ou moins la prise en compte de frais en fonction de l’étape où on se trouve. 

Revenons à ces étapes, au moment où on a trouvé notre bien et qu’on signe la première promesse unilatérale de vente avec le vendeur, il y a une période de 10 jours de réflexion où dans le contrat il est stipulé (et c’est la loi) que dans cette période il est possible de se rétracter sans frais. Quand je dis sans frais, c’est sans compter les frais déjà engendrés auprès du notaire pour la mise en place de ce contrat qui comme on le comprend est une prestation de service qu’on ne peut récupérer. Les frais dont je vous parle sont ceux concernant le dépôt de garantie qui avant le délai de 10 jours peut être récupéré tout comme tout autres frais donnés en espèce au financeur qui devra quand même par contre être vérifié au cas par cas. 

Après ce délai – le financeur nous envoi une offre de financement est là pareil, délai de rétractation de 10 jours, d’ailleurs à connaître, ce délai vient de la loi scrivener qui protège le client et que je vous invite à lire. 

Une fois l’offre de financement accepté, le financeur envoi une promesse unilatérale d’achat (PUA) où on donne dans le même temps un gage de sécurité avec un délai de rétractation de 10 jours et après ce délai et d’autres délais existant comme par exemple le droit de préemption urbain (DPU) que je ne vais pas détaillés ici. 

A partir de là et après le PUA accepté, le financeur achète le bien et le versement des mensualités commence. 

Et ça nous ramène à une autre question de savoir une fois que le bien nous a été vendu est ce que l’on en devient propriétaire ? 

d. Propriété du bien immobilier  

Là pas besoin de longue explication, entre le temps où le financeur achète le bien qui correspond au moment où il est pleinement responsable de supporter tous les risques liés à celui-ci qui peut durer plusieurs mois et  le moment où vous avez signé l’acte authentique auprès du notaire, alors il y a transfert de propriété qui vous en donne la pleine propriété même si vous avez toujours une dette avec le financeur. 

Et dans la vie du remboursement des mensualités, il peut arriver qu’on rencontre des moments difficiles qui peuvent conduire à des impayés. Ces impayés, peuvent conduire à des pénalités de retard qui est aussi un grand sujet de débat.

e. Impayés

Enfin ce type de débat ce situe généralement hors de France où comme on le sait il est interdit de donner des pénalités de retard lors d’impayés en islam car tout doit etre connu d’avance dês la signature du contrat. 

Mais les savants ont cependant autorisé d’inclure des pénalités de retard qui ne peuvent être gardées par le financeur mais doivent être reversées à des œuvres caritatives. Je ne vais pas trop rentrer dans le détail car en France les financeurs ne font pas cela. Par contre, en cas d’impayés le financeur peut vous faire payer non pas des pénalités mais des frais administratifs liés à l’envoi de courrier de relance pour vous informer que vous n’avez pas payé ou d’autres frais liés à l’impayé afin de vous dissuader à faire durer cette situation. 

Petite parenthèse car dans le cas où la situation dure, cela peut causer la perte de votre bien même si votre bien n’est pas hypothéqué, le financeur a la possibilité de faire appel à son privilège du prêteur de deniers ou PDD lors de l’ assignement en justice. 

Maintenant l’un des derniers points qui portent à débat avant de vous dire ce que je ferai concerne le calcul du financement.

f. Montant de l’emprunt qui change en fonction de sa durée

Le point qui fait le plus débat et qui est devenu l’expression numéro un des détracteurs de ce financement est que la mourabaha est comme un crédit classique juste qu’il remplace le mot intérêt avec marge bénéficiaire et que le montant change en fonction de la durée. Ce n’est qu’un intérêt déguisé. 

Dans les faits du montage, c’est vrai, car le contrat mourabaha inclut les mêmes conditions dans son calcul que ce soit la situation du demandeur, la durée de l’emprunt ou encore le montant demandé. 

Mais surtout les méthodes de calcul sont plus ou moins les mêmes car les financeurs pour calculer un crédit doivent utiliser trois composantes, c’est très approximatif mais c’est histoire de faire simple pour ne pas vous perdre. 

Le premier est le risque : Que ce soit de contrepartie, de crédit ou opérationnel

Le second est sa marge : Le financeur est un commerçant dont l’objectif est de gagner de l’argent et financer ses coûts fixes et variables 

Et le dernier sur le benchmark utilisé pour pondérer le calcul de sa marge afin d’être compétitif face à la concurrence en fonction de l’offre et de la demande à un moment donné. Et ce qui est intéressant, le benchmark qui est utilisé est le même pour les crédits classiques qui est celui de l’EURIBOR. 

Si les méthodes de calcul sont les mêmes, pourquoi alors le contrat mourabaha est plus cher qu’un crédit classique ?  

J’ai que deux raisons à vous donner. La première, à la différence d’un crédit classique, le financeur devient propriétaire du bien et ensuite le financeur transfert la propriété au client soit deux fois des frais de notaire. Dans la réalité, ce n’est pas deux fois mais plus 1,3 fois grâce à des lois fiscales. 

Et la seconde raison est juste qu’il n’y a pas assez de concurrence dans l’offre mourabaha en France du coup pas de pression pour les financeurs de baisser les prix. 

Conclusion 

C’est pourquoi, pour rendre le financement islamique plus attractif en France il faudrait de plus en plus d’acteurs proposant ces services et plus particulièrement les banques traditionnelles. Même si ça demandera encore un long travail d’enseignement sur les bienfaits de ce système pas seulement pour les musulmans mais pour toute la société. 

D’ici là, n’hésite pas à regarder les autres investissements halal ici.

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